Bélarus: Lettre internationale de soutien à la société civile bélarusse

«Ils pourront couper toutes les fleurs, ils n’empêcheront pas le printemps»
Pablo Neruda

161 organisations de défense des droits humains appellent à la fin de la répression à l’encontre du Centre des droits humains Viasna et de tou.te.s les autres défenseur.e.s des droits humains au Bélarus. Nous condamnons les arrestations arbitraires systématiques, les coups et blessures et les actes de torture dont ils font l’objet. Malgré la répression totale exercée par les autorités bélarusses, les défenseurs des droits humains au Belarus continuent de lutter pour les droits de leur communauté. Inspirés par leur courage, nous ne cesserons de nous battre jusqu’à ce qu’ils soient toutes et tous libéré.es et puissent poursuivre leur travail de défense des droits humains librement et sans entrave.

Au cours des derniers jours, nous avons assisté à une nouvelle vague de perquisitions et à l’arrestation de douzaines de membres de l’éminente organisation de défense des droits humains Viasna, et d’autres défenseurs des droits humains et militant·e·s bélarusses. Cette répression intervient en représailles de la dénonciation des violations de droits humains commises depuis la violente répression des manifestants pacifiques en août 2020. Depuis cette période, plus de 35 000 Bélarusses ont été arrêté.es pour avoir participé à des manifestations pacifiques, environ 3 000 instructions pénales ont été ouvertes pour des motifs politiques et au moins 2 500 cas de torture de citoyens bélarusses ont été documentés. Nous estimons que ces violations systématiques et généralisées des droits humains peuvent s’apparenter à des crimes contre l’humanité. En date du 19 juillet, 561 personnes étaient considérées comme des prisonnier·e·s politiques au Bélarus.

Entre le 14 et le 16 juillet 2021, plus de 60 perquisitions ont été réalisées au domicile et dans les bureaux de plusieurs organisations de défense des droits humains du Bélarus et de leur personnel, dont le Centre de défense des droits humains Viasna, deux organisations membres du Comité international d’enquête sur la torture au Bélarus, ‘Human Constanta’ et ‘Legal Initiative’, ainsi que le Comité Helsinki du Bélarus, l’Association bélarusse des journalistes, le Centre de transformation juridique ‘LawTrend’, ‘Ecodom’ et bien d’autres encore. Des documents et du matériel informatique, y compris des ordinateurs portables, des téléphones portables et des ordinateurs de bureau ont été saisis au cours de ces perquisitions.

Au total, plus de 30 personnes ont été interrogées. 13 d’entre elles ont été détenues pendant 72 heures, officiellement dans le cadre d’une enquête pour troubles à l’ordre public et évasion fiscale. La plupart a ensuite été libérée, dont Mikalai Sharakh, Siarhei Matskievich, et les membres de Viasna Andrei Paluda, Alena Laptsionak, Yauheniya Babaeva, Siarhei Sys, Viktar Sazonau, Ales Kaputski et Andrei Medvedev. Plusieurs d’entre eux restent toutefois frappés d’une interdiction de sortie du territoire et ont été mis en examen. Ales Bialiatsky, le président de Viasna, Valiantsin Stefanovic, vice-président de Viasna et vice-président de la FIDH, et Uladzimir Labkovich, un avocat et membre de Viasna, restent par ailleurs toujours en détention. Le 17 juillet, ces quatre militants ont été transférés vers le centre de détention provisoire ‘Valadarskaha’. Quatre autres membres de Viasna, Leanid Sudalenka, Tatsiana Lasitsa, Marfa Rabkova et Andrey Chapyuk, ainsi qu’Aleh Hrableuski, du Bureau de défense des droits des personnes en situation de handicap, sont quant à eux en détention provisoire depuis fin 2020 / début 2021.

Viasna, l’une des organisations de défense des droits humains du pays, membre des réseaux de l’OMCT et de la FIDH, a été visée par le gouvernement du Bélarus pendant plus de vingt ans. En août 2011, son président Ales Bialiatsky avait été condamné à quatre ans et demi de prison sur base d’accusations montées de toutes pièces, puis libéré en juin 2014, après avoir passé 1 052 jours en détention arbitraire dans de terribles conditions. En guise de représailles pour le travail courageux et la position inébranlable de Viasna en faveur des droits humains, les autorités du Bélarus s’efforcent à nouveau de détruire l’organisation en mettant sept de ses membres derrière des barreaux.

Les attaques ont commencé dès le lendemain de l’adoption par le Conseil des droits de l’Homme des Nations unies de la résolution condamnant la situation des droits humains au Bélarus, exigeant la libération de toutes les personnes détenues arbitrairement et une enquête sur les cas allégués de torture et d’autres violations de droits humains.

Les 8, 9 et 16 juillet 2021, les autorités ont perquisitionné les domiciles et les locaux de plusieurs médias indépendants et de leur personnel, dont Nasha Niva, l’un des plus anciens journaux indépendants du pays, et arrêté trois de ses journalistes. Les bureaux de RFE/ Radio Liberty et Belsat, la plus grande chaîne de télévision indépendante couvrant le Bélarus, ont également fait l’objet d’une perquisition, et plusieurs de leurs journalistes ont été arrêtés. A l’heure actuelle, 30 professionnels des médias et des douzaines de blogueur·se·s sont encore en détention.

Nous, les organisations de la société civile soussignées, condamnons la voie de la violence et les violations massives des droits humains perpétrées par les autorités du Bélarus qui pourraient, nous le craignons, provoquer encore davantage de violence. Cette dernière vague de persécutions, associée à la répression brutale des derniers mois, montre que les autorités ont pour objectif d’arrêter ou de contraindre à l’exil tou·te·s les défenseur·e·s des droits humains du pays.

Nous exprimons notre solidarité vis-à-vis de nos collègues et nos ami·e·s détenu·e·s, harcelé·e·s et persécuté·e·s en raison de leur travail courageux. C’est avec grande tristesse et préoccupation que nous assistons à ce qu’il·elle·s doivent endurer. Nous sommes profondément inspiré·e·s par leur engagement et leur résilience.

Nous exhortons les autorités du Bélarus à cesser le harcèlement et l’intimidation des voix critiques, et à libérer tou·te·s les défenseur·e·s des droits humains, journalistes et militant·e·s.

Nous appelons la communauté internationale à soutenir avec force les défenseur·e·s des droits humains du Bélarus, à dénoncer publiquement cette situation et à exiger la libération de ceux·celles qui sont encore derrière des barreaux et dont le seul crime est d’avoir exigé des changements et une société basée sur la justice plutôt que sur la peur.

L’association Bélarus-Suisse RAZAM.CH soutient la déclaration de l’OMCT.