Droits de l’homme au Bélarus: ce qui a été réellement débattu lors des conseils de l’ONU

Le 3 novembre  un certain nombre de médias ont publié les articles sur l’Assemblée générale du Groupe de travail sur l’Examen périodique universel , présentant le débat sur le rapport du Bélarus comme le soutien du régime actuel de la part du Conseil des droits de l’homme.  Presque toutes les éditions ont utilisé comme source principale le texte publié par l’organisation non gouvernementale UN Watch, connue pour son attitude critique envers le travail de l’ONU.  C’est UN Watch qui a écrit la phrase contradictoire qui s’est répandue sur Internet «51 pays sur 92, soit 55%, ont félicité le Bélarus pour ses réalisations en matière de droits humains».  Cette évaluation unilatérale déforme gravement le sens et le contenu de ce qui s’est passé le 2 novembre à  Genève.

 L’examen périodique universel (EPU) est un processus de collaboration par lequel les normes et les pratiques en matière de droits de l’homme des États membres des Nations Unies sont traitées.  C’est le premier mécanisme des droits de l’homme des Nations Unies qui est universel, ce qui signifie que tous les États sont obligés de passer par ce processus, les uns après les autres et sur un pied d’égalité.  L’EPU a débuté son travail en 2008.

 L’examen du bilan du Bélarus en matière des droits de l’homme a eu lieu le 2 novembre au siège des Nations Unies à Genève dans le cadre de la 36-ème session du Groupe de travail sur l’EPU.  Il s’agit du troisième rapport du Bélarus en la matière- les deux premiers cycles d’examen ont eu lieu en 2010 et 2015 respectivement.  Il est important de noter que l’examen du rapport sur le Bélarus est planifié; au cours de la discussion officielle l’attention est accordée à la mise en œuvre des recommandations depuis l’examen précédent, et non à la situation actuelle.  En effet, au cours de la période allant de 2016 à 2019, le gouvernement du Bélarus a fait des progrès significatifs dans la mise en œuvre de certaines recommandations, ce qui a été noté par de nombreux participants de l’assemblée, qui ont fait comprendre que ce vecteur de développement  est salué par la communauté mondiale.  Par exemple, la délégation bélarusse a été félicitée pour la ratification de la Convention relative aux droits des personnes handicapées (en 2015), l’adoption du premier plan national des droits de l’homme (2016-2019) et sa volonté d’inviter un certain nombre des rapporteurs spéciaux  des Nations Unies.

 Cependant, bien que les événements actuels ne soient pas un sujet de discussion, près de la moitié des participants du dialogue ont jugé nécessaire de s’exprimer sur le sujet des événements de ces derniers mois, condamnant catégoriquement les violations flagrantes des droits de l’homme telles que le recours disproportionné à la violence contre les manifestants, des arrestations arbitraires, la torture, maltraitance dans les prisons, suppression de la liberté de réunion et d’association, suppression de la liberté de parole et d’expression.

 Il est important de noter que le Conseil des droits de l’homme (CDH) n’a donné aucune évaluation des réalisations du Bélarus.  L’examen périodique universel, qui a eu lieu  le 2 novembre, n’est qu’un des mécanismes du Conseil.  Le CDH se compose de 47 pays, mais tous les États membres de l’ONU, et pas seulement les membres du CDH, prennent part à la discussion des rapports de l’EPU.  Le Conseil des droits de l’homme, en tant qu’organe des Nations Unies, n’examine pas le rapport du Bélarus et n’est pas autorisé à évaluer la situation dans le pays.  Seuls les États membres individuels, c’est-à-dire l’un des 193 États membres de l’ONU, mais pas l’organisation elle-même ou ses organes, peuvent faire des commentaires, poser des questions et, surtout, faire des recommandations dans le cadre de l’EPU.

 Au cours de la discussion du rapport du Bélarus, 92 États ont pris la parole.  On a noté un degré élevé d’implication dans la discussion non seulement des pays d’Europe de l’Est et de l’Ouest, qui prennent traditionnellement la parole, mais aussi d’un grand nombre d’États d’Asie (29 pays, soit près d’un tiers de tous les orateurs), ainsi que d’États d’Amérique latine et d’Afrique, démontrant la connaissance du sujet et la condamnation de ce qui se passe au Bélarus.

 Les  discours prononcés par le nombre absolu de délégations ont tous eu des critiques ou des recommandations constructives.  Il est difficile d’évaluer  d’où vient le nombre de «51 pays qui ont soutenu le Bélarus».  Peut-être UN Watch aurait compté les délégations qui ont  traditionnellement commencé leurs discours par des paroles de soutien envers le pays présentant le rapport, ce qui est une pratique diplomatique établie, reconnaissant comme positif le fait du consentement de l’État à participer au processus, la volonté d’écouter et de prendre en compte les recommandations d’autres pays.  Cependant, commençant sur une bonne note, la plupart des participants finissent leurs discours par des recommandations concrètes.  Par exemple, la phrase «Nous remercions le Bélarus d’avoir participé à la promotion des objectifs de développement durable», prononcée par le représentant des Pays-Bas au début du discours, n’a pas empêché la délégation de faire une recommandation «d’introduire dans le Code pénal un article prévoyant la responsabilité pour tous les types de torture».

 Bon nombre des recommandations formulées étaient liées aux événements des derniers mois (mettre fin à l’intimidation, au harcèlement, aux arrestations arbitraires et au recours disproportionnés à la force, libérer tous les prisonniers politiques, mener une enquête sur les allégations de mauvais traitements et de torture par les agences gouvernementales, engager un véritable dialogue avec la société civile etc.)  d’autres étaient de nature plus générale (abolition de la peine de mort, problèmes de violence domestique, création d’une institution nationale des droits de l’homme conformément aux Principes de Paris, autorisation de se rendre en visite officielle au Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Bélarus, etc.).

 Ce sont les recommandations qui ont le rôle le plus important dans la procédure d’EPU.  Toutes les recommandations faites par les pays participant au dialogue sont enregistrées par le groupe de travail sur l’EPU, qui publie ensuite le rapport.  Le pays concerné peut accepter les recommandations à sa discrétion.

 Il faut noter que même les recommandations adoptées ne sont pas juridiquement obligatoires pour les États concernés.  Cependant, l’EPU suppose que les États s’engagent volontairement à suivre les recommandations de leur choix.  En règle générale, chaque pays accepte par conséquent de

mettre en œuvre environ les deux tiers de toutes les recommandations formulées.  Les représentants du gouvernement bélarusse exprimeront leur position sur les recommandations prononcées lors de l’examen, le 6 novembre 2020.

Mise à jour

 Le document final du groupe de travail sur l’Examen périodique universel (EPU) sur le Bélarus a été présenté le 6 novembre au siège des Nations Unies à Genève. Ce document présente le résumé du déroulement de l’examen. La version finale de ce document sera disponible le 20 novembre 2020.

 Au cours du troisième cycle de l’EPU sur le Bélarus, les représentants de 92 États ont formulé 266 recommandations afin d’améliorer la situation des droits de l’homme dans le pays.  Selon les estimations de la délégation bélarusse, qui a pris la parole après la présentation du document final, les recommandations reçues concernent une centaine de questions thématiques. Le Représentant permanent du Bélarus auprès de l’ONU à Genève, Yuri Ambrazevich a déclaré : «le Bélarus s’oppose à toute tentative de politisation du mécanisme d’examen, y compris par l’introduction de recommandations inacceptables pour tout État souverain, qui pourraient saper le dialogue qui s’est développé dans le cadre du mécanisme».

 Selon la pratique établie, le gouvernement du Bélarus exprimera sa position sur toutes les recommandations formulées lors de l’examen avant la prochaine session du Conseil des droits de l’homme (février-mars 2021).

L’association RAZAM.CH suivra le développement.